Univers des Arts

Guy Demun

La danse

Il est des mondes dans lesquels on nous incite à entrer par la grande porte. Ceux-là flattent les spectateurs en leur présentant d’emblée leur face la plus brillante. Mais il existe des artistes, rares, qui prennent plaisir à laisser le public avancer dans leur univers sans les guider ni même se signaler, simplement en négligeant discrètement de refermer une ouverture oubliée dans une arrière-cuisine. Il en est ainsi de Guy Demun qui en réalisant pour les galeries Vieceli une série exclusive consacrée à la Danse, nous fait l’honneur de nous dispenser d’emprunter le grand escalier de l’Opéra pour nous ouvrir le noble chemin des coulisses.

Lorsque la galerie Vieceli lui a suggéré de créer sur le thème de la Danse et de la Musique une série spéciale de toiles, en vue d’une exposition d’envergure à Cannes, Guy Demun n’était de son propre aveu que peu familier avec l’univers de la danse classique. Du moins le proclame-t-il avec un certain amusement. Non pas l’amusement de celui qui avoue qu’il ne sait pas, mais plutôt de celui qui sait que la vraie connaissance ne compte que dans ce qu’elle cache, dans ce qu’elle préserve derrière sa propre façade. Il entreprenait alors de peindre des personnages de danseuses de la façon qu’il l’entendait, fidèle à lui-même et à son art. Il aime à le rappeler : il peint ce qui lui importe et ne se plie jamais à ce qui n’est pas lui. Depuis quelques mois que cette fascinante série a pris vie dans son atelier,

il ne peint plus sur ce thème. Ce moment de création, cette étape d’invention fut pour lui une fulgurante condensation de visions, d’émotion et de réflexion. Ce qu’il avait à dire a été dit. Ceux qui le suivent depuis des années savent que sa peinture s’affirme dans le changement et ne se répète jamais.

Né en 1938 à Toulouse, Guy Demun dessine et peint depuis l’enfance, mais en entrant à l’école des Beaux-arts de sa ville natale, c’est une envie de sculpture qui l’anime. Le poids de l’investissement pécunier que nécessite cette discipline le pousse cependant à se concentrer sur la peinture, plus clémente aux conditions sociales. A cette époque, l’enseignement des Beaux-arts était encore tourné vers la Figuration et c’était dans « l’existant » que les étudiants apprenaient à puiser. Galeries et musées devaient être arpentés et la réalité observée avec assiduité. Guy Demun en conserve l’idée fondatrice : l’artiste en regardant autour de soi trouve toujours de quoi produire une œuvre d’art. « Il faut voir pour pouvoir faire », rappelle-t-il en s’interrogeant sur les créateurs qui prétendent fabriquer « quelque chose qui se voit » à partir de rien. Mais s’il acquiert des connaissances utiles, techniques comme théoriques, durant cette période, c’est à la sortie d’école en 1960 que ses véritables études commencent. Vivant avec des moyens restreints, Guy Demun possède cinq ou six toiles enchâssées seulement. Pendant six mois,

Un moment à la Boca 116 x 89cm

Un moment à la Boca 116 x 89cm

Concert 146 x 114 cm

Concert 146 x 114 cm

il « tourne » sur les mêmes toiles, en recouvrant ses propres réalisations, encore et encore. Objectivité d’un jeune artiste qui comprend intimement le sens de l’Art : il avance ainsi en s’élevant lui-même, couche après couche, réécriture après réécriture, pour se trouver et échapper aux tendances de son temps. « Ne pas faire du Buffet, ne pas être cubiste… », se souvient-il, était son but, son moteur. Il faut de la force morale pour avancer ainsi, le long d’un chemin si étroit, afin de parvenir à une si grande ambition : l’émergence d’un style personnel. La plus grandiose de toutes les traversées sur la barque la plus frêle. Dès lors, il cultive une forme de détachement vis-à-vis de la création et de ses enjeux, tactique d’existence garantissant sa liberté et sa tranquillité d’esprit, des rapports humains apaisés aussi.

Sa peinture se construit à partir d’une idée initiale, mise en place dans la fulgurance sur la toile, en une vingtaine de minutes. Alors le véritable travail débute et le temps de l’atelier s’étire. Guy Demun n’est pas un peintre de la perfection absolue, il est trop sage et trop objectif pour tomber dans cet écueil mortifère, mais il est un artiste de l’aboutissement véritable. Certains éléments ou détails de ses toiles, ceux qui lui importent réellement, peuvent être travaillés longuement avec la conviction de rendre ainsi visible l’essentiel. Guy Demun peint avant tout pour lui-même : la sensibilité qu’il explore est la sienne et à ses yeux, le « bon tableau » est celui qui le touche lui. Le regard du public qui arrive dans un second temps, agit comme juge extérieur, à la fois secondaire et final, d’un processus intérieur qui n’en dépend nullement.

Feignant, avec un humour souvent très signifiant, une certaine ignorance de Gascon, Guy Demun dissimule habilement la nature des forces qui habitent ses toiles. Il appartient aux spectateurs de les déceler et, une fois identifiées, de s’en saisir pour parcourir son univers, transportés par les flux structurant sa création.

Faisant partie des ultimes représentants du « beau métier » tant malmené par le second XXe siècle, Guy Demun pourrait être résumé par une anecdote qu’il rapporte volontiers : lors d’une visite au Louvre durant son adolescence, il découvre l’iconique Sacre de Napoléon.

Il a alors le sentiment de se trouver en présence de quelque chose de merveilleux, au sens propre. Avec l’enthousiasme de son âge, il imagine le Maître travailler en personne, directement sur le support, portrait par portrait. Apprenant bien vite la fausseté de sa vision, il décide de ne pas céder à la désillusion et entreprend de s’accrocher à son sentiment initial, en le sachant erroné mais en choisissant sciemment de ne pas l’abandonner à une réalité contraire. Travailler directement sans croquis, sans recherche préalable, sur la toile de manière spontanée, et ceci quelle que soit la taille de la toile. Et croire toujours dans le pouvoir tenu au creux de la main de l’artiste.

Aussi insaisissable qu’il est entier, Guy Demun prouve par cette exposition qu’il compte indéniablement parmi les derniers grands peintres de sa génération encore en activité. Son style unique, immédiatement reconnu, réjouit par la maîtrise de son propos et incite en y laissant çà et là des ouvertures subtiles, à pénétrer dans son monde imagé avec le naturel qui entoure les grands mystères.

Thibaud Josset

Du 16 septembre au 8 octobre 2022
Vernissage le jeudi 15 septembre 2022
Musique et Danse, par Guy Demun
Galerie Vieceli
111 rue d’Antibes, 06400 Cannes

Les galeries Vieceli vous accueillent en permanence :
5, rue du Pas de la Mule, 75004 Paris

Du mardi au samedi 10h-13h / 15h-19h
+33 (0)1 42 74 80 54 / +33 (0)6 04 59 39 07 / contact@galerievieceli.com

 111 & 122, rue d’Antibes, 06400 Cannes
Du mardi au samedi 10h-13h / 15h-19h
+33 (0)4 93 45 86 41 / +33 (0)7 87 07 92 97 / contact@galerievieceli.com

Répétition 146 x 114 cm

Répétition 146 x 114 cm