Univers des Arts

Carlos Sablon

Ainsi bourgeonnent les fleurs  

Carlos Sablon

Carlos Sablón est le chef de fil du groupe international Visionirique étrange, héritier des grands travaux collectifs initiés par Jean-Pierre Alaux et prolongés par le charismatique Lukáš Kándl. Plonger dans l’univers de ce groupe revient à plonger dans l’un des ultimes espaces de création mutuelle préservés de la Figuration contemporaine.

L’histoire des arts est faite d’un dialogue entre l’artiste et les courants de son temps, entre l’individu et ses frères en création. A l’âge où l’individualisme a fait du monde de l’art un faisceau désordonné de trajectoires personnelles, solipsismes refusant le risque de l’autre, l’idée de lignage artistique est devenue bien rare. Tout juste évoque-t-on références, hommages, inspirations prélevées çà et là pour se nourrir soi et si peu pour nourrir les autres. Transmettre est pourtant un moteur fondamental de la création, encore mis en avant dans les discours, beaucoup moins dans les actes.

Les hommages organisés en l’honneur de Jean-Pierre Alaux tout au long de l’année 2025 pour le centenaire de sa naissance, sont l’occasion de s’arrêter sur l’œuvre de cet artiste majeur, mais aussi de mesurer l’importance de la continuité d’époque en époque. Car ce n’est qu’en évoquant cette continuité que l’on peut comprendre l’importance des ruptures et des individualités qui en sont à l’origine. Jean-Pierre Alaux (1925-2020) reçoit aux Beaux-arts de Paris l’enseignement de Jean Dupas (1882-1964) qui lui transmet son goût pour une certaine peinture-monument, destinée à illustrer de grands phénomènes, ceux de l’Histoire, de la mythologie et de l’art lui-même, une façon de construire la toile afin d’y faire vivre d’un seul tenant et sur un seul plan d’existence, tout ce qui doit être dit sur un sujet, un thème, une idée. Jean-Pierre Alaux s’est vite détaché de la modernité stylistique de son maître, pour entrer de plain-pied dans la contemporanéité, avec ses expérimentations géométriques et architecturales, et son onirisme transculturel et transesthétique, annonçant de grandes créations que l’on qualifierait volontiers aujourd’hui de “méta”. Ceci de la même manière que Jean Dupas s’était détaché du symbolisme raffiné de l’un de ses plus illustres maîtres, Paul Quinsac (1858-1929), en se débarrassant de ses obsessions formalistes et en embrassant sans retenue l’étrangeté de la représentation figurative, transformant le rêve, trop entier chez Quinsac, en quelque chose de plus insaisissable. Il est possible de remonter le fil de cette histoire en observant par exemple que Paul Quinsac avait vécu le même type de fascination puis de détachement à l’égard du grand Jean-Léon Gérôme (1824-1904) en muant du classicisme strict avec ses rigidités, vers un style beaucoup plus libre et mouvant, tout en approfondissant la puissance de constructions spatiales grandioses, totalisantes, habitées du

Carlos Sablón - La Jardinière, Acrylique sur toile, 170 x 120 cm, 2023
Carlos Sablón – La Jardinière, Acrylique sur toile, 170 x 120 cm, 2023
Carlos Sablón - Souffle de vie, Acrylique sur toile, 100 x 81 cm, 2022

Carlos Sablón – Souffle de vie, Acrylique sur toile, 100 x 81 cm, 2022

Carlos Sablón - Paysage onirique VII, Acrylique sur toile, 100 x 81 cm, 2024

Carlos Sablón – Paysage onirique VII, Acrylique sur toile, 100 x 81 cm, 2024

Programme des expositions de Carlos Sablón en 2025 :
Du 22 décembre 2024 au 5 janvier 2025,
Galerie Hibiscus Zhao,
Paris, France.

Du 25 janvier au 9 février 2025,
Musée des Médicis, Rotonde de Brunelleschi,
Florence, Italie.

Janvier 2025,
Galerie DCS Contemporary,
Karlsruhe, Allemagne.

Du 19 au 22 février 2025,
Salon Comparaisons,
Paris, France.

Du 8 au 15 juillet 2025,
Musée de SHANXI,
Taiyuan, Chine.

Salon International de Peinture et Sculpture de Vittel,
France

Du 7 au 17 août 2025,
National Art Center de Tokyo,
Japon.

Salon d’Automne,
Paris, France.
Novembre 2025, CNAC-Centre National des Arts du Cirque, Châlons-en-Champagne, France.


Expositions du groupe Visionirique Étrange en 2025 :
Du 19 au 22 février 2025,
Salon Comparaisons-Art Capital,
Paris

Début mars 2025,
Musée d’Inowrocław,
Pologne

A partir du 15 mai 2025,
Musée de la Bible de Gutenberg,
Pelplin, Pologne

Du 16 mai au 22 septembre 2025,
Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Châlons-en-Champagne :
« Créer à tout prix »

Du 9 au 15 juillet 2025,
Musée de SHANXI,
Taiyuan, Chine

Septembre 2025,
Galerie Palace Vauxhall,
Krzeszowice, Pologne

souffle des mythes. Au carrefour de deux mondes, de deux temps dans l’Europe de l’après-guerre, Jean-Pierre Alaux a dû comme ses prédécesseurs, trouver le moyen de marier son amour pour des images qui n’étaient pas les siennes et le désir de les dépasser. De son travail et de son sens de l’échange a découlé le groupe connu aujourd’hui sous le nom de Visionirique étrange, occupant une place de premier rang au sein du salon Comparaisons et ayant rapidement essaimé un peu partout dans le monde, organisant de nombreux événements collaboratifs et initiant des dynamiques précieuses à ses artistes.

Unis autour des concepts du réalisme magique, de l’onirisme et du fantastique au sens le plus large, ses membres trouvent dans ce groupe une famille artistique stimulante, aussi solide dans ses principes qu’ouvert dans sa pratique et ses orientations, accueillant même jusqu’au travail d’artistes non-figuratifs au symbolisme radical. En mettant Jean-Pierre Alaux à l’honneur, c’est au fond un certain rapport à l’histoire des arts, tellement valorisée à ses yeux, que le groupe Visionirique étrange met en lumière : une charnière dans le fil continu d’une filiation.

Enfin, évoquer la vie et l’œuvre de Jean-Pierre Alaux nécessite de contempler sa suite à la tête du groupe Visionirique étrange, en se souvenant du gargantuesque travail accompli par Lukáš Kándl (né en 1944), bourreau de travail qui a tant fait pour son développement à l’international. Il demeure un chantre d’une peinture dressant un pont entre une figuration fantastique et un surréalisme conceptuel chargé de mystère. Le parcours du groupe tout au long de l’année illustre son ambition globale : initiant la saison comme il se doit au salon Comparaisons dans le cadre d’Art Capital au Grand Palais rénové, le groupe poursuit sa route dans de beaux musées, notamment trois espaces en Pologne et un en Chine. L’un des points d’orgue du calendrier se trouve pour autant en France, au musée des Beaux-arts de Châlons-en-Champagne, où la conservatrice Clémentine Lemire, directrice des musées de la ville, livre une belle analyse du travail du groupe et surtout de son chef de fil et moteur d’aujourd’hui : Carlos Sablón qui a pris la suite de Lukáš Kándl.

Carlos Sablón, né en 1981, est désormais bien connu de nos pages. De nombreux écrits lui ont été consacrés et nous avons pour notre part tenu à insister sur le caractère transverse de sa production, sur les références nombreuses qui l’animent, issues de l’histoire des arts mais aussi de la littérature fantastique et des écrits mystiques. Il faut pour comprendre le travail de Carlos Sablón bien avoir en tête que ses œuvres sont des passerelles entre plusieurs mondes, ceux de l’imaginaire et ceux du réel certes, mais de façon plus fondamentale entre des champs de pensée que la raison a coutume d’opposer. Au point de l’histoire où il se situe, Carlos Sablón apparaît comme un peintre de la synthèse. Rationnel et irrationnel sont chez lui mêlés sans que jamais l’un puisse prendre le pas sur l’autre. Peut-être parce que notre temps est à bien des égards celui du trop plein, Carlos Sablón a à cœur de produire des images qui se tiennent à un point d’équilibre entre le savoir et l’inconnu, entre l’immensité des connaissances humaines d’un quotidien rempli jusqu’en ses moindres recoins par la science et la technique, et l’abîme infini que l’histoire humaine étend devant nous, incompréhensible vide qu’aucune réalisation issue de la modernité n’a jamais su combler. Les constructions de ses toiles en sont une belle illustration : Carlos Sablón sait que l’un des grands enjeux de la création de notre temps réside dans un point de jonction ténu entre ce qui doit être dit et ce qui doit être tu. Accumuler des informations en certains point de la toile pour mieux laisser le reste libre, disponible au spectateur, à ses interrogations et à ses sentiments… Carlos Sablón sait mieux que quiconque dialoguer avec l’esprit de ceux qui croisent la route de ses œuvres. Au-delà de ses qualités techniques indéniables, ancrées dans le beau métier transmis de génération en génération, mais infléchi au profit des préoccupations de chacune, Carlos Sablón marque par son caractère inclassable dans le paysage figuratif actuel. Son action à la tête du groupe Visionirique étrange rappelle que les grands artistes sont toujours le fruit d’un paradoxe : sans cesse attachés à ce qui les as précédé, ils s’avèrent être bien plus contemporains que ce que la contemporanéité pure et triomphante peut produire. Carlos Sablón est un créateur dont l’œuvre est aussi présente, au sens chronologique, que hors du temps. Comme un bourgeon inédit d’une plante éternelle, sans cesse renouvelée par-dessus des racines profondes et immuables, Carlos Sablón est l’expression visible d’un processus discret au long cours, celui qui en silence finit sans qu’on s’en rende compte, à produire les chefs-d’œuvre d’une époque. Le temps qui vient est son printemps et un jour viendra où d’autres bourgeons écloront sur le fil, si mince, de ce qui fut et de ce qui sera.

Thibaud Josset

Jean-Pierre ALAUX - Le solstice, lithographie, 65 x 48,5 cm

Jean-Pierre ALAUX – Le solstice, lithographie, 65 x 48,5 cm