Elisabeth Cibot
Sculptilia
Isaia, Bronze, Prix Camille Claudel
En parallèle de l’exposition consacrée par le musée Yves Brayer à Camille Claudel, la ville des Baux-de-Provence accueille cet été un autre événement tourné vers une sculptrice de renom, contemporaine cette fois : Elisabeth Cibot, dont le travail bien connu des collectionneurs rend aujourd’hui un bel hommage à l’illustre artiste.
En latin, le terme sculptilis découle d’une vieille racine indo-européenne désignant un objet fabriqué par la découpe, la gravure et plus généralement l’ablation de matière à un matériau préalable. Dans ses différents dérivés antiques, le mot endosse presque systématiquement une dimension religieuse : l’objet désigné est d’abord et avant tout un élément de culte, représentation tangible d’une divinité ou d’un phénomène personnifié. Cela semble logique quand on songe à la manière dont les arts des sociétés les plus anciennes ne peuvent être appréhendés indépendamment des rites structurant la pensée des individus d’alors. On peut cependant y ajouter une dimension supplémentaire, spécifique à la sculpture. Contrairement à la peinture qui consiste principalement en l’ajout de matière à un support, l’art statuaire repose sur le principe de « dégager » une forme particulière d’un objet qui la contient sans toutefois la déterminer. Il s’agit d’arracher quelque chose au réel, qui se trouve déjà quelque part, – la matière est là qui attend –, mais qui demeure caché jusqu’à ce que la main de l’artiste vienne l’en libérer. De ce point de vue, il n’est pas étonnant qu’entre tous les arts ayant connu leur essor dans l’Antiquité, la sculpture se démarque à la première place des réalisations humaines destinées à tisser un lien avec l’immatériel, le divin et les mystères initiatiques. Le choix de ce mot pour titrer l’exposition consacrée à Elisabeth Cibot en la galerie Post Tenebras Lux, permet de rappeler avec intelligence, plus qu’un fondement lointain du premier des beaux-arts, une véritable manière d’approcher l’œuvre de l’artiste. On connaît bien la grande variété de ses thématiques abordées dans les champs de l’imaginaire médiéval, du merveilleux littéraire ou de la mythologie celtique, et son esthétique aérienne mêlant équilibre faussement bancal et pesanteur trompeuse. On connaît aussi grâce à sa présence en de nombreux lieux du territoire français, sa faculté à inventer des représentations de personnages historiques dans une démarche aussi respectueuse que subtilement malicieuse. On connaît moins en revanche certains de ses travaux de cœur, qui occupent son esprit peut-être davantage que tous les autres.
Conchiglia, Bronze
Tellina, Bronze, Ht 150 cm
Arawn, Bronze, Série Autre-Monde
Sa série de bustes de Camille Claudel, fruit d’une recherche et d’une réflexion profonde qui devrait inspirer tout artiste s’attelant à la difficile tâche du portrait, fait partie des plus belles réalisations que la sculpture figurative française aura produites au cours des trente dernières années. Si la production d’Elisabeth Cibot est particulièrement vaste, son rapport, – pourrait-on même dire son dialogue ? – avec la grande figure-martyre, tutélaire et sombre, du féminin artistique, doit éveiller quelque chose de très spécial chez quiconque sait voir ce que la main qui agit a à voir avec le visage qui pense, qui rit et qui pleure. Il lui aura fallu longtemps pour atteindre le point d’équilibre recherché dans ces bustes. Le résultat en est que sous la main d’Elisabeth Cibot, le visage de Camille Claudel a trouvé une consistance que nul hommage n’avait permis de générer jusqu’ici et qu’aucune des rares photographies que nous possédons d’elle n’aura pu transmettre. La matière et l’esprit se sont ici aimés pour faire surgir une face hors du néant, exhumée des réalités changeantes pour s’incarner à nouveau dans la permanence du réel. C’est ce que le chef-d’œuvre doit accomplir et c’est ce que l’artiste, dans son humilité, doit dédier au passé et offrir à l’humanité. C’est l’essence de la sculpture et l’essentiel de l’humain.
Thibaud Josset
Du 29 juin au 26 juillet 2022
Elisabeth Cibot, « Sculptilia »
Galerie Post Tenebras Lux
Grand Rue Frédéric Mistral
13520 Les Baux-de-Provence
Plus d’informations et actualités sur : www.elisabethcibot.com
Et www.lesbauxdeprovence.com