Univers des Arts

57ème Galerie Oh & Song

Lee Dong-chun

La Maison-Monde

Artiste de grand talent, femme de passion et d’engagement, Lee Dong-chun est une photographe parcourant la Corée à la recherche des Hanok, ces maisons traditionnelles à l’architecture spécifique, devenues particulièrement rares sur le territoire. Des maisons dont l’œil de la photographe fait ressortir plus qu’une conception technique enracinée dans des réalités historiques et géographiques, mais une dimension symbolique universelle.

« Byeongsan Seowon » à Andong. Bâtiment scolaire construit il y a 400 ans.
Fondé par la croyance que l’éducation est plus urgente que prévenir la guerre
et lutter contre la famine. Inscrit aujourd’hui au patrimoine de l’UNESCO
le 6 juillet 2019.

« Byeongsan Seowon » à Andong. Bâtiment scolaire construit il y a 400 ans.
Fondé par la croyance que l’éducation est plus urgente que prévenir la guerre et lutter contre la famine. Inscrit aujourd’hui au patrimoine de l’UNESCO le 6 juillet 2019.

La Corée du Sud fait partie de ces pays paradoxaux sur le plan de l’aménagement du territoire. Animée d’une conscience nationale forte et d’un esprit de préservation de ses traits culturels fondamentaux, la Corée est aussi un territoire qui a parfois eu du mal à conserver son bâti traditionnel, pour des raisons historiques d’abord puis, désormais, d’organisation économique. Parmi des éléments de bâti ancien ponctuellement préservés se trouvent les Hanok, dont certaines encore observables dans les campagnes ont plus de quatre siècles ; âge vénérable pour des maisons construites majoritairement en bois dans une contrée soumise à une amplitude climatique éprouvante. Sans détailler ici les – très – nombreux aspects propres à leur architecture, il convient de retenir qu’il s’agit d’un habitat qui fut commun à la majeure partie de l’histoire de la péninsule coréenne, de son antiquité tardive jusqu’à son entrée dans la modernité, soit du Samguk à la fin du Joseon. Qu’il s’agit d’un type de maison pensée et construite de façon à s’inscrire parfaitement dans son environnement naturel, épousant la topographie et intégrant contraintes et aléas naturels dans sa conception, et ayant par ailleurs développé un degré de raffinement ergonomique, d’efficience et de confort, assez fascinant. Circulation de l’air, pénétration de la lumière, régulation thermique, – ces maisons comprennent un système de chauffage par le sol qui continua de se perfectionner tout au long de la période, là où en Occident les hypocaustes romains tombèrent dans l’oubli au cours du haut Moyen-âge –, tous ces éléments contribuent à en faire plus qu’un morceau de patrimoine régional, un véritable hymne au savoir-faire humain appliqué à la durabilité, au confort de vie et au mariage avec la nature dans ce qu’elle peut offrir de meilleur malgré sa rudesse. Lorsque Lee Dong-chun entreprit de photographier ces maisons aux quatre coins de la Corée, elle avait en tête le désir viscéral de fixer par l’image la réalité de ces bâtiments, leur traits communs mais aussi leur individualité esthétique. En réalisant ces portraits de maisons comme s’il s’agissait d’êtres vivants, – il est vrai que plusieurs aspects de leur architecture en emboîtement de poutres et leurs motifs, fonctionnels comme ornementaux, évoquent d’emblée le naturel végétal –, Lee Dong-chun a en fait entamé un voyage au cœur de l’existence humaine, de ses grandeurs et fragilités, de sa beauté humblement placée au sein du cosmos. Le fait que ses photographies soient imprimées sur le plus beau des papiers Hanji, celui du maître Kim Sam-sik, ajoute au caractère organique de son sujet. Il est évident que le monde contemporain a de quoi remettre certaines de ses obsessions, de ses errements et de ses espoirs en perspective devant ce travail de compilation patrimonial, qui est au fond celui de la vie et de l’être au monde. En contemplant l’œuvre photographique de Lee Dong-chun, on ne peut que penser à ces vers de Victor Hugo, faisant parler l’arbre dont l’homme s’apprête à user pour bâtir : « – Frappe ; Je puis porter les toits, ayant porté les nids. Ta demeure est sacrée, homme, et je la bénis ; Là, dans l’ombre et l’amour, pensif, tu te recueilles ; Et le bruit des enfants ressemble au bruit des feuilles. » Gageons que le travail de Lee Dong-chun saura ressusciter de telles vérités dans nos cœurs, de ces vérités que seuls les sanctuaires habités, non désertés, peuvent soustraire à l’oubli.

Thibaud Josset

Du 30 janvier au 10 février 2024
Galerie OH & SONG Paris
42 rue de Provence, 3ème étage
75009 Paris
Du mardi au samedi de 13h à 19h
Tel. 0624151306 ohsong17@naver.com