Comptant aujourd’hui 22 000 adhérents, l’association siège en l’hôtel particulier du
11, rue Berryer dans le VIIIe arrondissement de Paris, bâtiment historique de la Fondation des Artistes dont elle est, par accord, une interlocutrice privilégiée. Ainsi, sur le plan de la légitimité, de la représentativité et du poids symbolique, la Maison des Artistes est bien une association-phare de la création visuelle en France. Mais l’histoire récente en a montré les limites : déchue de sa tutelle sur la sécurité sociale des artistes qu’elle avait elle-même mise en place en 1965, obtenant alors, de haute lutte, un acquis social d’importance, la Maison des Artistes a fait l’objet de critiques qui, de nature diverse, rendent compte des grands paradoxes qui structurent la vie des artistes plasticiens en France. En premier lieu, il est intéressant de noter que si l’époque est à la concentration et à la rationalisation des responsabilités et des dépenses, celle-ci dans le domaine artistique ne s’accompagne pas d’un renforcement des vecteurs de représentativité. Une entité comme la « Sécurité sociale des artistes auteurs » souhaitée par le ministère de la Culture, réunissant de nombreux organismes associatifs, ne semble pas en l’état des choses fournir un corps intermédiaire représentatif d’une portée comparable à celle que connaissait la Maison des Artistes lorsqu’elle assumait la gestion du régime. En fait, on pourrait presque dire qu’à mesure que l’administration cherche à se rationaliser, – chose louable et sans doute nécessaire en soi –, la parole des artistes en tant que corps socio-économique tend à se diluer. Cette lecture des événements est un élément essentiel de la pensée de Rémy Aron qui déplore que les évolutions récentes du paysage administratif et associatif, touchant pourtant à la vie quotidienne des artistes plasticiens, produisent un effet contraire à ce qu’elles devraient : de l’efficacité d’action en faveur de la qualité de vie et de travail de ses confrères et consœurs. Dans ce contexte, et armé de cette grille d’analyse, l’engagement de Rémy Aron prend la forme d’un grand projet de rénovation de la Maison des Artistes et par extension du monde associatif artistique. En la matière, la dimension sociale, raison d’être originelle de la Maison des Artistes, est son cheval de bataille : lutter contre la précarité des artistes, les accompagner face aux difficultés de la vie, face à l’isolement, etc. sont ses mots d’ordre pour porter la voix d’un secteur professionnel largement invisibilisé politiquement et socialement. Les actions de conseil juridique et fiscal, d’accompagnement professionnel, l’organisation de nombreux webinars, etc. sont appelées à se renforcer et s’enrichir. Les 45 000 artistes plasticiens travaillant sur le territoire français, dont près de la moitié est donc adhérente à la Maison des Artistes, représentent sur le papier une réalité humaine, et un enjeu, que Rémy Aron ambitionne de remettre dans un ordre de marche cohérent, dédié au collectif et au bien public. En 2024, outre des actions telles que la mise en place de sa galerie virtuelle internationale ou sa saison consacrée au thème Sports et Arts, – Jeux olympiques obligent –, la Maison des Artistes inaugure un cycle de débats nationaux et transnationaux visant à constituer collégialement ce que sera demain cette association. Son objectif affiché tient ainsi : faire converger les forces des artistes et leur permettre d’agir directement sur leur destin à travers une « union des artistes » à la portée européenne. D’un point de vue extérieur, une chose apparaît évidente : quels que soient les résultats de cette nouvelle dynamique, et au-delà du sujet particulier que représente la présidence de Rémy Aron, quelque chose est en train de se jouer du côté de la Maison de Artistes qui aura quoi qu’il arrive des conséquences sur le secteur de la création visuelle en France et sur la façon dont il interagira demain avec les institutions de l’Etat. Quel que soit son point de vue à ce propos, ce serait une erreur de l’ignorer.
Thibaud Josset