Ladislas Kijno
(1921-2012)
« Le geste et la durée »
L’œuvre de Ladislas Kijno ressemble à une plongée dans le vide lumineux du cosmos. Limpide comme le volvox, elle vous éclaire de l’intérieur. L’art dont il s’est rendu maître serait insaisissable sans la prise en compte de l’enjeu qu’il ne cesse d’affirmer avec force : ce besoin, comme il dit, de rejoindre l’essentiel, mouvement qui suppose une alliance souveraine du cœur et de l’énergie créatrice, du microcosme et du macrocosme.
La peinture pour Kijno est une quête de connaissance, au sens que lui attribuaient les gnostiques. Certains voyagent pour accumuler les images et les anecdotes. Chez Kijno, l’objectif du voyage est d’aller toujours plus vers soi-même. La découverte de son visage le plus intime est né d’une rencontre avec l’infiniment lointain, en des sites comme l’Ile de Pâques ou le Machu Picchu. Mais c’est sans doute la Chine qui le marqua le plus profondément. C’est d’elle qu’il a reçu le don de composer avec le temps. Grâce à cette fabuleuse rencontre, il a compris que l’instant contenait un germe d’éternité.
C’est au Château de Vascoeuil, demeure qui abrita la pensée créatrice du grand historien Jules Michelet (1798-1874) que nous saisissons vraiment l’ampleur de l’œuvre de Kijno, artiste d’une radieuse et rayonnante humanité. Dans le colombier du XVIIème siècle, ses bouddhas prodigieux font parler le silence, restituant à ce haut lieu de l’art la sérénité de l’esprit. Nous les accueillons comme une invite à la contemplation, cette posture qui, en Occident nous fait si facilement défaut. C’est à Lille que Maître François Papillard, propriétaire du Château de Vascoeuil devenu depuis 1970 Centre d’art et d’histoire renommé, rencontra Ladislas Kijno, à la fin de la seconde guerre mondiale. L’artiste s’abreuvait alors du lait de la philosophie et les deux hommes se lièrent de sincère amitié. Une trentaine d’année plus tard, Kijno rendit visite à son vieux complice de naguère. Les retrouvailles furent des plus chaleureuses et débouchèrent sur une mémorable exposition « Retour de Chine » en 1987.
Aujourd’hui, le recul dont nous disposons nous permet de saluer Kijno comme un artiste incomparable, tant par sa trajectoire exceptionnelle que par la rigueur de sa pensée et sa fulgurante puissance de travail. Quand l’esprit est débarrassé de toute forme d’inquiétude et de lourdeur, chaque geste accompli est juste, car en harmonie avec l’âme du monde. A travers son geste créateur, Ladislas Kijno est parvenu à cette justesse, en harmonie intime entre la vie et l’œuvre qui en exalte la quintessence.
A un escargot qui tentait d’escalader le Mont Fuji, le poète japonais Issa conseillait d’aller lentement. Le secret de Kijno est d’avoir compris que le temps n’était qu’une donnée relative. Le vrai but du voyage doit être (et demeurer) le chemin lui-même. En dépit d’un parcours exemplaire, Kijno ne s’est jamais haussé au-dessus de l’humanité. C’est aussi ce qui fait sa dimension universelle. La vraie grandeur n’écrase pas, elle transfigure tout ce qu’elle touche. A travers les nombreux hommages que son œuvre adresse aux artistes et aux combattants de l’esprit mais aussi aux plus humbles et aux plus blessés, il a conquis sa propre liberté.
La peinture n’a pas de fin. Comme l’aurore, elle n’est qu’un éternel élan de l’ombre à la lumière.
Luis Porquet
Critique d’art
Vice Président de l’ACVM
Grand triptyque astral II, Bouddha découvre la lune, papier froissé et peinture sur toile, 195 x 130 cm, 1986
Du 22 avril au 22 octobre 2023
Château de Vascoeuil
8, rue Jules Michelet
27910 Vascoeuil
Tel. 02 35 23 62 35
www.chateauvascoeuil.com
Catalogue quadri 56 pages
Prix franco : 20 €
Le Cavalier de Xian en majesté, Toile,195 x 130 cm, 1986
Phénix 97 x 130 cm Acrylique et glycéro-spray sur toile, 1984