Univers des Arts

Misha Sydorenko

Le Sens du Sacré

Peintre ukrainien établi en France, Misha Sydorenko est un artiste à l’écriture intemporelle et universelle. Son approche de l’histoire des arts dans laquelle il inscrit sa création avec autant de passion que de justesse, le classe dans une catégorie d’artistes à part, qui portent au front la couronne des individus-rois de leur univers en même temps que la modeste marque des serviteurs dévoués de l’art.

Je mets tout mon espoir
En toi, mon paradis radieux,
En ta miséricorde.
En toi, Ô Mère,
Je mets tout mon espoir… 

Taras Chevtchenko, Marie

Il y a chez Taras Chevtchenko (1814-1861), poète-martyr et héros romantique du XIXe siècle ukrainien, quelque chose de profondément humble, au sens religieux, qui lui confère une aura dans le monde slave comparable à celle de Victor Hugo ou Goethe en Occident. Son regard est celui d’un homme enraciné dans la Terre mais habité par une aspiration invin-cible, qui sans lui faire quitter les pieds du sol poussiéreux de son chemin de croix, élève son esprit jusqu’aux sphères supérieures faites d’or et de bonté, et avec celui-ci, le nôtre. Avec lui, le réel devient sacré et le sacré devient réel. En bon romantique, le rôle joué chez lui par les allégories féminines et les visions mettant en scène un lieu personnifié sur le mode an-tique, est essentiel pour comprendre son rapport au monde.
On retrouve chez Misha Sydorenko, artiste né à Lviv en 1973 et nourri de grande poésie, ce même lien tissé

La barque blanche HST 65x81cm 2021
avec le sacré qui se fait tantôt matière charnelle, tantôt décor inanimé, mais toujours per-sonnage imprégné d’une irréductible pulsion de vie, dépositaire d’une sensualité vibrant dans tous ses constituants. Par sa technique et sa vision d’artiste, Misha Sydorenko parvient à ancrer dans la toile, dans chacune de ses couches de matière, dans chaque touche apposée sur le support, quelque chose de mouvant, d’animé qui rendrait presque tangible l’idée de panthéisme ou, dans ce cas précis, de pan-sacralité. Celle-ci n’est pas théorique et encore moins dogmatique. Elle est une présence universelle diffuse et pourtant concrète, un rapport constant à une divinité à laquelle on n’accède que par l’Art. En découle un dialogue amoureux entre les objets de la Figuration choisis par le peintre et l’inaccessible abstraction idéale,
Fontaine medicis III huile sur toile 130x97cm 2019

Fontaine Medicis III – Huile sur toile 130x97cm – 2019

La grace huile sur toile 130x81cm 2020

La Grâce – Huile sur toile 130x81cm – 2020

dont les codes sont puisés dans les siècles de création passés, qui enracine l’œuvre de Misha Sydorenko dans un réel aussi esthétique que signifiant. Le fond est chez lui indissociable de la forme et accompagne d’un seul mouvement les sens du spectateur, sans heurt, et ce dans l’immédiateté de notre propre monde, non pas dans un autre. Il ne cherche pas à tricher avec le réel pour s’en affranchir, mais il l’embrasse dans ses aspects symboliques et mystiques ; ces derniers ne sont pas plaqués sur le monde pour le sublimer par l’action extérieure du regard de l’artiste, comme c’est le plus souvent le cas, mais exhumés directement de l’argile des réalités hermétiques. Misha Sydorenko est un peintre absolument moderne par son rapport au sacré : il l’embrasse en tant que phénomène réaliste, appartenant au quotidien, non comme une abstraction venue d’ailleurs. Ceci faisant, ses allégories comme ses scènes de genre qui jouent avec les références de l’histoire des arts, peuvent trouver leur plus bel écho dans le concret du vécu humain. Elles le transcendent sans le trahir.

A la jonction des mondes et des systèmes de représentation, l’univers de Sydorenko se déploie aujourd’hui comme les grand poèmes d’hier, dans une intensité maîtrisée et maintenue par la simple force d’une volonté, celle de l’homme qui cherche à permettre le triomphe du Beau et, en se débattant violemment avec sa condition d’être imparfait et périssable, fait naître une idée qui ne lui appartient pas, destinée à lui échapper. Misha Sydorenko est un peintre du cheminement continu, du volume constant des émotions et de la matière perma-nente, légère et subtile comme un murmure qui ne se laissera pas disperser par le vacarme alentour. La position du peintre comme celle du poète est ainsi faite : il s’agit de tenir bon dans l’existence comme l’innocent tient bon dans l’Histoire. Le cours capricieux du temps, l’inéluctabilité des peines et l’amour de la justice, font prendre la mesure de l’immensité de la tâche, surtout quand la laideur surgit de son antre pour dévorer la beauté :

De méchants voisins ont incendié
La maison toute neuve et belle
De leur voisin : au feu ils se sont chauffés,
Puis sont allés dormir.
Mais la cendre grise, ils ont oublié
De la disperser au vent.
Elle reste, la cendre, à la croisée des chemins,
Et dans son sein couve
Une étincelle du grand feu.
Elle couve et ne s’éteint pas,
Elle attend qu’on la ranime, comme un vengeur
Attend son heure,
La mauvaise heure…

Taras Chevtchenko, L’Hérétique

Ainsi brille dans son sommeil le pouvoir des images et des mots ; il élève, soigne et pré-serve le réel qui compte et qui souffre, lui que les réalités laides ne peuvent sous sa protec-tion abaisser, blesser ni effacer éternellement. L’artiste avec son grand souffle est là pour le raviver.

Thibaud Josset

Du 7 mars au 7 avril 2022
« Même la nuit la plus sombre prendra fin et le soleil se lèvera »
Exposition avec Natalia Kruchkevych
Centre Culturel Ukrainien
22 avenue de Messine
75008 Paris

Du 23 avril au 1 juin 2022
Exposition Lauréats des prix du Fonds de l’Ermitage
Hôtel Alfred Sommier
20 rue de l’Arcade
75008 Paris

Du 29 avril au 11 juin 2022
« Temps suspendu »
Exposition avec Xavier Dambrine
La Petite Conciergerie
Galerie privée, sur invitation
Paris XVIe

Du 18 juin au 11 juillet 2022
« Saison de lumière »
Exposition personnelle
Mairie du VIème arrondissement
78 rue Bonaparte
75006 Paris

Plus d’informations sur : sydorenko.info