Musée Yves Brayer
Les Baux-de-Provence
Camille Claudel
La Géante sans ombre
La Petite Châtelaine, bronze posthume tiré d’après le marbre de 1892-1893, Musée Camille Claudel, Nogent-sur-Seine, © Nogent-sur-Seine 2021, Musée Camille Claudel/Photo : Marco Illuminati
Buste de Rodin, bronze ancien après 1897, Musée du Petit-Palais, Paris, © Paris 2021, Musée du Petit-Palais
Auguste Rodin et Camille Claudel, Frère et Soeur, bronze ancien vers 1890, ©Photo O. Brayer
chez un Victor Hugo en littérature. Ces grandes figures devenues des horizons de leurs domaines, sont des points de référence définitifs pour leur époque, presque des bornes chronologiques à eux seuls. Ils incarnent leur période dont ils ont exprimé l’essentiel, en étant à la fois de purs produits de leur temps et en ayant défini par leur action ce que l’on devait en retenir, à vol d’oiseau. Ils sont à la fois un début et un aboutissement du siècle, devenus des modèles incontournables pour longtemps après eux. Il ne s’agit pas d’enlever quoi que ce soit à la légitimité de leur position dans l’histoire, bien au contraire, mais de mesurer le caractère « logique », évident de leur suprématie solidifiée dans la course des générations. Camille Claudel quant à elle, ne répond pas à cette logique historique, mais s’en affranchit plutôt par son aspect inclassable et hors-catégorie, ainsi que peut l’être Rimbaud en poésie. Comètes déchirant le ciel de leur temps par leur individualité incomparable, ces artistes qui occupent des places à part dans la vision linéaire de l’histoire des arts, ne peuvent pas représenter autre chose qu’eux-mêmes, tout simplement car d’une certaine façon et contrairement à nombre de leurs contemporains, ils n’ont jamais cherché à être autre chose qu’eux-mêmes. Les premiers sont à la fois cause et conséquence de leur monde, – leur grandeur résidant peut-être dans leur capacité à avoir placé la conséquence avant la cause au regard de l’histoire –, mais les seconds ne sont ni conséquence ni cause de quoi que ce soit d’autre que de leur individualité, impénétrable et, si l’on est honnête, irrécupérable par tout autre point de vue qui leur serait extérieur, ni autour d’eux au cours de leur vie, ni après eux chez leurs commentateurs ou imitateurs. En fait de génie chez Camille Claudel, il faut voir l’expression d’un cœur dont le parcours, les passions et les souffrances n’expliquent en rien la fulgurance. Sa création se tient par elle-même, pour elle-même. Quant à la tentation d’en faire une avant-garde, c’est déjà l’emprisonner dans une temporalité inadéquate.
Le plus grand dommage généré par l’avènement de l’art contemporain ne se trouve pas dans ses réalisations, mais dans son présupposé : l’art n’existe pas, seul le regard de l’artiste existe. Se confronter avec pertinence à l’œuvre de Camille Claudel, c’est recevoir de plein fouet une vérité contraire et si fragile : l’Art existe. Il est une entité palpable qui vit et se meut librement dans le flux de l’Histoire, peu importe ses aléas tant collectifs qu’individuels. Le cadeau laissé par Camille Claudel au monde ne sera pas défini par le Code Napoléon, par la Théorie du Genre, par l’ingratitude d’un homme, la souffrance d’un avortement subi, par l’horreur d’un abandon et par l’insupportable privation de liberté, mais par l’indéfinissable présence, irréductible, invincible, d’une main qui a un jour donné naissance à un corps implorant fixé dans le bronze.
Thibaud Josset
Du 12 mai au 13 novembre 2022
Camille Claudel, « Géniale folie »
Musée Yves Brayer
Place François de Hérain
13520 Les Baux-de-Provence
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