Salon d’automne 2024
Entretien avec Jean-Christophe lévêque
Dans le paysage des salons nationaux, le Salon d’Automne occupe une place à part. N’ayant pas suivi le chemin de la mutualisation d’Art Capital au cours des années 2000, il a continué de se tenir par lui-même, avec succès dans un contexte de contraction du secteur. A l’occasion de l’édition 2024 marquée par le retour sous les pavillons éphémères des Champs-Elysées, son nouveau président, Jean-Christophe Lévêque, nous en présente les enjeux et les perspectives.
Univers des arts : Il s’agit de votre première année comme président. L’année 2024 est surprenante car elle connaît deux éditions du salon ainsi qu’un retour plus rapide que prévu sur les Champs-Elysées. Pourriez-vous nous résumer ce contexte ?
Jean-Christophe Lévêque : L’année 2024 est spéciale dans le sens où après avoir tenu un salon de début d’année, qui correspondait en fait à l’édition précédente décalée à l’hiver, nous organisons maintenant une édition 2024 qui retrouve sa place “naturelle” en fin d’année, durant la saison automnale. Plusieurs chantiers importants se sont présentés à nous, avec notamment le retour sous les pavillons éphémères des Champs-Elysées qui, il est vrai, a fait l’objet d’une mise en place assez rapide. Les dernières éditions se sont déroulées sous la halle de La Villette car nous devions libérer les Champs-Elysées qui n’étaient plus accessibles. La Villette est un lieu formidable avec de nombreux avantages appréciables, notamment sur le plan logistique, mais le sérieux budgétaire indispensable à la longévité du salon ainsi qu’un sentiment de décalage géographique ressenti par certains artistes, ont renforcé notre volonté de retour dans le centre-ouest parisien. En mars dernier, la décision de réorganiser le salon sur les Champs dès le mois d’octobre a été prise et le projet rapidement mis sur pied.
UDA : Tel que vous le décrivez, on sent une importante réactivité au sein de l’organisation du salon, une forme de dynamisme conservée malgré un contexte peu propice aux salons d’art gérés associativement et de façon indépendante. En tant que président du salon et habitué des comités de diverses structures du monde de l’art, comment caractériseriez-vous le Salon d’Automne dans le paysage actuel ?
J.-C. L. : Le Salon d’Automne a conservé son indépendance en parvenant à tracer une voie en dehors d’un rapprochement avec d’autres salons. Cela implique des avantages mais aussi des inconvénients. D’abord notre capacité à prendre des décisions seuls en pleine responsabilité, une structure plus légère, donc plus simple à activer, et très adaptable. Si l’on y ajoute un sens de la prise de risque, car nous n’avons pas de filet de sécurité, on obtient une forme d’efficacité et d’immédiateté dans les prises de décisions qui est intéressante. En revanche, il est évident que l’association entre salons confère davantage de solidité financière et surtout plus de poids devant les interlocuteurs et partenaires. Le Salon d’Automne quant à lui ne compte que sur lui-même.
UDA : La question du rapprochement avec d’autres salons est-elle parfois évoquée ? Quel est le sentiment général à ce propos ?
J.-C. L. : La question du regroupement relève d’une vision stratégique globale, à très long terme. Ce choix d’un rapprochement avec d’autres salons d’art pourrait se justifier si le Salon d’Automne n’avait plus la capacité d’accéder à des lieux à la hauteur de ses ambitions, ce qui n’est pas le cas. Par ailleurs, nous croyons dans un système aux propositions plurielles, avec des salons répartis sur un calendrier saisonnier, avec des identités distinctes. En revanche, ce qui est vrai, c’est que l’association avec des événements complémentaires est un chantier que nous croyons porteur pour le futur : des salons évoluant dans d’autres secteurs de la création (bande dessinée, vidéo, cinéma, musique, digital, design, ameublement, architecture, artisanat, etc.) auraient tout à fait leur place à nos côtés pour construire un cadre plus large.
UDA : Quels sont vos autres axes de développement actuels ?
J.-C. L. : Nous avons la volonté de développer nos relations avec des partenaires associatifs et des fondations à l’international afin de continuer à nous exporter. Par exemple, une itinérance d’une partie du salon a toujours lieu au Japon (avec le C.A.E.A.) et en Allemagne (avec l’association BBK), bientôt peut-être en Arabie Saoudite. Travailler avec des associations étrangères est un beau moyen de rayonner. Nous avons aussi le projet de monter de petits salons un peu partout en France afin de faire vivre l’Automne tout au long de l’année avec une vraie implantation locale. Enfin, comme tous les salons gérés associativement, nous sommes toujours ouverts à la discussion avec des partenaires privés, entreprises, galeries, fondations, afin de compléter le financement des artistes eux-mêmes qui est la base de notre fonctionnement.
UDA : Environ un millier d’artistes de 52 nationalités vont exposer au Salon d’Automne 2024. C’est un salon qui a toujours été ouvert à la transversalité des disciplines avec de nombreuses animations et un vrai esprit d’émulsion. Quel est l’esprit de cette édition 2024 ?
J.-C. L. : Tout d’abord, le Salon d’Automne 2024 est centré sur les artistes eux-mêmes. Pour le retour dans notre cadre habituel, et après avoir connu le succès à La Villette l’hiver dernier, nous faisons le choix du retour aux fondamentaux, sans invité d’honneur, concert ou événement annexe. C’est un choix fort autant du point de vue organisationnel que du point de vue symbolique. Il s’agit de rendre hommage à la force morale des artistes qui font vivre un tel salon par leur dévouement. Nous voulons cette édition comme celle du respect et de la dignité des personnes réunies pour célébrer les beaux-arts. Au sein d’un salon comme celui-ci, les artistes ont l’occasion de jouer un rôle social par eux-mêmes : l’événement leur appartient. Ensuite, au sein de ce cadre, nous intégrons effectivement la présence d’autres arts comme la musique et surtout le cinéma : notre parrain Yann Le Quellec sera exposant chez nous avec un work-in-progress autour de son dernier film. L’interdisciplinarité est appelée à se développer à l’avenir avec, par exemple, de nombreux projets autour de l’année 2025 France-Brésil (n.d.l.r. : le dernier film de Yann Le Quellec, Madame Coconut, est en grande partie tourné au Brésil).
UDA : Le cinéma a d’ailleurs fait partie de l’histoire du Salon d’Automne à ses débuts. C’est un bon résumé de sa culture d’ouverture. Dans le paysage complexe des grandes expositions d’art, et dans celui encore plus complexe du monde de la création, quelle est à vos yeux la place des salons et plus particulièrement du Salon d’Automne ?
J.-C. L. : Comme tous les salons nationaux, le Salon d’Automne a son histoire, son esprit. Il me semble que l’attachement à l’idée d’avant-garde est fondateur. Le salon est né en 1903 de la nécessité de trouver un lieu pour montrer les grandes avant-gardes qui faisaient alors l’objet d’un rejet. Par définition, ceci implique que le Salon d’Automne remplisse son rôle par son ouverture totale à tous les courants artistiques, tout en poursuivant une quête de “qualité”, c’est-à-dire l’idée que les œuvres ont vocation à laisser une trace dans l’histoire des arts. Un salon est un moment d’émulsion entre les personnes, les arts et les disciplines, mais avec l’objectif de faire vivre la création dans le temps long, au-delà de l’événement. Je souhaite surtout affirmer à quel point les artistes exposant chez nous sont contemporains. Il nous faut souvent nous battre avec les représentants des pouvoirs publics qui ont une vision très partielle, très incomplète de ce qu’est l’art contemporain. L’histoire de l’art se fait depuis plus d’un siècle au sein des salons et à ce titre, le Salon d’Automne possède une aura dont nous devons nous montrer dignes.
Propos recueillis par Thibaud Josset en septembre 2024
Du 23 au 27 octobre 2024
Vernissage le 22 octobre
Pavillons éphémères
Avenue des Champs Elysées
75008 Paris
Plus d’informations sur : www.salon-automne.com